Du point de vue dogrib, le paysage est une entité vivante dotée de pouvoirs
qui peuvent aider les voyageurs ou leur nuire. Selon un article sur la route
Idaa (1997), " lorsqu'on voyage dans la nature, il faut constamment atténuer
l'effet de ses actions personnelles en apaisant ces entités avec des offrandes
votives et en observant des règles de conduite strictes ". Par exemple, on laisse
une offrande près de chaque étendue d'eau rencontrée en route. Dans la langue
vernaculaire des Dogrib, on dit qu'on " paie " ces lieux et les entités qui
les habitent. "
Il y a différentes types de lieux sacrés connus des Dogrib (l'article cité
ci-dessus les regroupe en six catégories) :
1) Goghanai?ii - " qui nous parlent "
Ces lieux, souvent associés aux héros culturels tels que Yamozhah, sont toujours
perçus comme étant puissants. Souvent, on y accomplit des rituels pour prédire
le destin d'une personne.
2) Weyiidii - " habitation des esprits animaux "
Des esprits animaux géants habitent ce type de sites, qu'on considère généralement
comme dangereux. Des offrandes et des rituels spéciaux sont nécessaires pour
apaiser les esprits qui les habitent.
3) Nàte K'è - " lieu des rêves "
Un petit nombre de lieux sont reconnus comme propices aux rêves. Selon les aînés
dogrib, les jeunes hommes fréquentaient souvent de tels lieux pour rêver et
obtenir l'ik'òò (guérison), qui les aidait à devenir de meilleurs chasseurs.
4) Kwe Nezi - " bon rocher "
Certains sites sont connus pour les ressources importantes qu'ils fournissent,
comme l'ocre utilisée pour les décorations, la pierre servant à fabriquer les
outils et à sculpter les pipes, ou les bouleaux servant à la construction des
canots et des arcs. On laissait toujours une offrande dans ces lieux.
5) Dòkw'òò Whetòò - " tombes "
Depuis la venue des missionnaires chrétiens, l'emplacement des tombes dogrib
est marqué par des clôtures à lattes verticales. Ces lieux sont considérés comme
très sacrés et très puissants et plusieurs coutumes y sont associées. Les voyageurs
ont l'occasion de communiquer avec les personnes qui y sont enterrées. Ils enlèvent
toujours les broussailles des tombes et réparent la clôture, au besoin. On y
laisse toujours une offrande et on demande parfois une faveur, comme du beau
temps ou une chasse abondante, en échange.
6) Lieux mythiques ou historiques
Cette catégorie regroupe plusieurs lieux qui ne font partie d'aucune des autres
catégories, dont les lieux d'importance historique où ont eu lieu batailles,
des négociations de paix ou des événements malheureux. Elle regroupe aussi des
lieux perçus comme dangereux, mais dont on a oublié les récits s'y rapportant.
Source: Thomas Andrews, John Zoe et Aaron Herter. " On Yamozhah's Trail: Dogrib
Sacred Sites and the Anthropology of Travel ", dans J. Oakes, R. Riewe & K.
Kinew (dir.), Sacred Lands: Aboriginal World Views, Claims, and Conflicts,
Edmonton, Canadian Circumpolar Institute, University of Alberta, 1998, pp. 305-320.